L’incroyable histoire derrière les 40 ans dela Revue du Génie maritime
- LCdr (RCNR Ret’d) Brian McCullough
- 13 juin 2022
- 12 min de lecture
Dans le vieux conte folklorique européen, un voyageur affamé invite les villageois à ajouter leurs propres ingrédients à sa « soupe de pierre », un pot d’eau qui ne contient rien de plus qu’une pierre lisse. Leur curiosité éveillée, ils apportent avec enthousiasme des légumes et un peu de viande salée et ils sont abasourdis par le résultat savoureux. Alors qu’ils profitent de la soupe ensemble, un villageois lance : « et dire que cette soupe est faite à partir d’une pierre! »

C’est une merveilleuse histoire qui montre à quel point la créativité inspirée peut mener à un plus grand bien collectif, ce qui, à bien des égards, décrit l’histoire remarquable de la Revue du Génie maritime. Tout comme la magie de la soupe se trouve dans la nature coopérative de l’entreprise plutôt que dans la pierre elle-même, ce qui a commencé comme l’idée d’une personne pour une revue semiprofessionnelle il y a 40 ans, s’est cristallisé et a capté l’imagination de la communauté pour devenir le périodique de la Branche ayant le plus d’ancienneté, dans sa classe, toujours en publication de façon continue au ministère de la Défense nationale (MDN) et dans les Forces armées canadiennes (FAC).
En plus des publications sur l’information et la sécurité à l’échelle des Forces qui continuent de répondre aux besoins plus vastes, de nombreux autres bulletins et magazines du MDN et des FAC ont été publiés au fil des ans. Cependant, dès le départ, les dirigeants de la Branche technique navale ont insisté pour que la Revue ait pour objectif d’être présente à long terme, et ils ont pris les mesures nécessaires pour que cela se produise. Tout est relatif, bien sûr, mais on peut dire sans se tromper que ce 100e numéro marque une réalisation importante à cet égard.
Ayant eu la chance extraordinaire de faire partie de ce projet avant même qu’il ne soit approuvé, je peux dire sans hésiter que la Revue doit d’abord sa longévité à la constance de son éditeur, le directeur général, Gestion du programme d’équipement maritime (DGGPEM), et aux plus de 1 300 membres de la collectivité qui nous ont appuyés avec leurs articles, leurs commentaires, leurs nouvelles et leurs photographies au cours des quatre dernières décennies. Leur récompense, je crois, va bien au-delà du simple fait de voir leur travail sur papier. En plus de permettre de joindre son public principal de membres actifs ou à la retraite du personnel d’ingénierie et de soutien technique de la MRC et du MDN, la Revue du Génie maritime, est offerte gratuitement à une communauté élargie de partenaires de l’industrie, de marines étrangères et d’établissements d’enseignement du monde entier.
Débuts
Tout a commencé avec le Cmdre (retraité) Dennis Reilley. Il a pris sa retraite dans les années 1990, mais lorsqu’il était commandant et chef de section à la Division du génie maritime et de la maintenance (DGGMM) au Quartier général de la Défense nationale en 1978, il pensait déjà aux avantages d’avoir une revue de la Direction générale du génie maritime (G MAR) (Voir RGM 28). La Marine subissait une forte attrition d’ingénieurs et de techniciens qualifiés qui quittaient pour accepter des postes de fonctionnaires civils dans les projets de construction navale et d’autre postes au sein de l’industrie, et le DGGMM cherchait des incitatifs dans le cadre d’un projet de revitalisation du G MAR pour endiguer l’exode. Le lancement d’une revue semi-professionnelle serait certainement opportun.

Comme me l’écrivait le Cmdre Reilley en 2012, nous n’aurions jamais pu faire publier la Revue sans votre intérêt et votre enthousiasme. En fait, le mérite revient au Ltv Robbie Robertson à qui le Capv Reilley avait confié la tâche de mener une étude de faisabilité sur la possibilité de publier une revue interne. À l’époque, j’étais affecté au service de réserve de classe C à titre d’officier de la formation divisionnaire du DGGMM, et même si j’étais officier de navigation et non ingénieur, Robbie savait que j’étais écrivain et avait de l’expérience comme rédacteur en chef du bulletin pour l’unité locale de la Réserve navale. Quelques minutes après avoir reçu sa tâche, Robbie, quelque peu perplexe, s’est approché de mon bureau pour me demander conseil sur la façon de « créer une revue ». Nous nous sommes assis et nous avons dressé un plan approximatif, après quoi j’ai rédigé quelques détails sur le devis d’une première édition afin qu’il puisse obtenir des estimations de coûts pour son étude. J’avais 28 ans à l’époque et je n’avais aucune idée de ce qui allait bientôt devenir le point central de mon travail pour les 40 prochaines années.
Le 28 mai 1981, le Capv Reilley a fait un compte rendu de la réunion mensuelle des directeurs sur les résultats positifs de l’étude et, sept semaines plus tard, le 15 juillet 1981, le Cmdre EC Ball a ordonné qu’un « bulletin du G MAR » soit créé comme forum pour promouvoir le professionnalisme parmi les ingénieurs et les techniciens de marine. Un premier numéro présentant l’écusson du G MAR nouvellement conçu sur la couverture (un article pour plus tard) a été préparé à temps pour la Conférence du G MAR de juin 1982, ce après quoi il n’était plus question de faire marche arrière.
Il était difficile de quantifier à quel point la Revue a réellement aidé le projet de revitalisation du G MAR, mais le nombre croissant de soumissions d’articles et de demandes d’abonnement a été un assez bon indicateur de sa valeur dans toute la communauté du soutien technique naval. En 1985, le Cmdre John Gruber (successeur du Cmdre Ball en tant que DGGMM) a insisté sur cette notion de l’importance de la Revue en prenant la décision audacieuse de s’engager à embaucher un rédacteur en production à temps plein. Comme il me l’a dit, il voulait « veiller à ce que la Revue ait une base pour durer très longtemps ». Dans les années qui ont suivi, ses successeurs (14 jusqu’à maintenant) ont chacun contribué à orienter la Revue et la protéger contre des séries très difficiles de compressions budgétaires du MDN.
Ouvrir la voie
La création d’un poste de rédacteur à temps plein a immédiatement permis à la Revue de se démarquer des nombreux autres périodiques de la Direction générale, qui avaient souvent de la difficulté à publier leur prochain numéro. Soulagés de ne pas avoir à exécuter une lourde tâche secondaire en dehors de leur domaine d’expertise habituel, les ingénieurs navals ont pu se concentrer sur un travail plus technique pour lequel ils ont été formés et la Revue a pu commencer à assumer un rôle de leadership au sein du Comité d’examen périodique de la surveillance du DG – Information, présidée par l’étonnante Lise Bailey. Les normes éditoriales professionnelles que nous nous sommes fixées sont rapidement devenues le modèle que d’autres publications ont été encouragées à imiter, surtout après que nous ayons pris l’initiative de nous engager à adopter un format entièrement bilingue, à commencer par le numéro 16 de la RGM en avril 1998. Cette initiative a été concrétisée avant que la politique officielle ne nous permette de le faire.
Au fil des ans, la Revue a participé à un certain nombre d’autres initiatives, notamment en unissant ses forces à celles du magazine Sentinelle pour défendre l’intégration de l’éditique au MDN, en réadaptant le programme de cours en fonction du cours annuel des rédacteurs de périodiques du MDN, et en concluant un partenariat de publication synergique avec l’Association de l’histoire technique de la marine canadienne (AHTMC). Ce sont toutes des initiatives valables qui ont non seulement amélioré notre façon de faire, mais qui ont aussi aidé les autres.
À plusieurs reprises, nous avons été fiers d’être récompensés par les prix d’excellence en rédaction et en conception de la section de l’Est de l’Ontario de l’International Society for Technical Communication, et par les mentions élogieuses du commandant de la MRC pour le succès exceptionnel de notre travail d’équipe rédactionnel. De telles reconnaissances indiquaient que nous allions dans la bonne direction, mais de notre point de vue, elles devaient toujours été réservées aux gens qui ont rédigé les articles avec lesquels nous avons eu le privilège de travailler.
Les histoires
Notre politique a toujours été de partager librement ce que nous publions, en demandant seulement aux gens de citer la source de leur contenu, comme l’a fait un magazine de l’OTAN sur la logistique lorsqu’il a réimprimé l’article du PM 1, Bob Steeb, intitulé Vérité ou loyauté? (numéro 39 de la RGM). Une autre publication de la défense a été tellement inspirée par le message de Bob qu’elle a servi, après obtention de l’autorisation nécessaire, à créer une « version abrégée gratuite » que les lecteurs ont pu accrocher à leur poste de travail. Il n’y a rien de mal là, je suppose.
Dans un ordre d’idées agréablement semblable, l’article le plus demandé à ce jour est « Étude sur la capacité de maintenance du NCSM St. John's » (numéro 50 de la RGM), un article rédigé conjointement par le rédacteur en chef actuel de la Revue, le Cmdre Lou Carosielli (DGGPEM) et Joel Parent (l’administrateur civil actuel de Weir Canada pour le Centre d’essais techniques (Mer)). L’étude de huit mois que les chefs de service ont mené à bord de leur frégate de la classe Halifax dans le cadre de leurs tournées effectuées il y a plus de vingt ans a permis de confirmer ce que de nombreuses personnes de la communauté du soutien technique savaient déjà être vrai : nos techniciens en mer n’ont pas assez de temps pour l’entretien.
D’autres articles ont été réimprimés et intégrés aux trousses de préparation des étudiants pour des cours de défense et de maintien de la paix de haut niveau, et il était toujours agréable de voir les travaux des auteurs valorisés de cette façon. Deux de ces articles de notre couverture spéciale intitulée « Cambodge – La mission oubliée » (numéro 34 de la RGM) et écrits par le Capc Ted Dochau et le Capc Rob Mack ont été réimprimés, ce qui m’amène à évoquer un triste épilogue.
Quatre ans après que nous ayons publié les articles sur le Cambodge, Rob Mack m’a abordé lors du Séminaire technique naval du printemps 1999 à Halifax. Il était récemment revenu d’un déploiement de reconstruction de six mois en Bosnie, pays marqué par la guerre alors, et je soupçonnais que l’enveloppe qu’il transportait contenait probablement le récit de son voyage. S’il y avait une chose sur laquelle on pouvait toujours compter de la part de cet ingénieur des systèmes de combat intrépide, c’était sa volonté d’utiliser la Revue pour documenter ses expériences à l’étranger et les partager avec le reste de la communauté technique navale.
En glissant l’enveloppe dans ma main, il m’a simplement remercié d’avoir fait de l’excellent travail et m’a dit : « Auriezvous l’obligeance de voir à ce que cela soit publié dans la Revue? » Je lui en donnai l’assurance, puis il tourna brusquement les talons et s’en alla. Notre entretien avait duré tout au plus 15 secondes. J’ai ouvert l’enveloppe pour y découvrir des photographies d’immeubles détruits par des obus, accompagnées d’un article s’y rapportant. J’ai été estomaqué d’apprendre son décès prématuré quelques mois plus tard, mais tout s’est mis en place et j’ai compris son comportement avec moi ce jour-là à Halifax. Le comité de rédaction a donné suite à sa demande et à l’automne de la même année, nous avons publié son dernier article : « Bosnie : Salutations du Front! » (numéro 48 de la RGM).
As he pressed the envelope into my hands, he simply thanked me for doing a great job, and said, “Would you please see this gets published in the Journal.” I gave him my assurances, and with that he abruptly turned and left. Our meeting had lasted all of 15 seconds. I opened the package to find photographs of shell-torn buildings, and an article to go with them. It had clearly been a tough deployment, and I was saddened to learn of his accidental death at age 42 just a few months later. The editorial committee honoured his request, and that fall we published his final article, “Bosnia: Greetings from the Front!” (MEJ 48.)
Parmi toutes les nombreuses histoires que nous avons reçues, aucune ne m’a ému autant que celle du 50e anniversaire de la pire catastrophe en temps de paix de la MRC, l’explosion de la boîte d’engrenages du NCSM Kootenay (numéro 91 de la RGM) en 1969. En écoutant le survivant du Kootenay, Allan « Dinger » Bell (un chauffeur de deuxième classe à l’époque) décrire avec horreur sa fuite de la salle des machines en flammes et en apprenant l’ampleur des blessures physiques et mentales subies alors et qui l’affectent encore aujourd’hui, je peux vous dire que cette histoire est la plus difficile sur laquelle j’ai travaillé jusqu’à maintenant pour la Revue.
Heureusement, il y a eu aussi des histoires vraiment amusantes, comme les défis de rédaction de neuf minutes (numéros 63 et 64 de la RGM). Il y a aussi eu l’histoire du certificat de renvoi pour raisons médicales de la guerre de Corée de l’ancien combattant de la MRC Bill Bovey, signé par le « Serg.-Lt. Joseph Cyr », ou en réalité, Ferdinand Waldo Demara, le roi des imposteurs (numéro 55 de la RGM). Dans le même ordre d’idées, certains d’entre vous connaissent le Capf (à la retraite) Roger Cyr, de l’équipe du génie des systèmes de combat, dont de nombreux articles ont paru dans la Revue. Même s’il portait le même nom de famille que celui de Demara, le seul lien que Roger
partageait avec le roi des imposteurs était qu’il servait à bord du même navire, le NCSM Cayuga, à une dizaine d’années d’intervalle. Roger a écrit au sujet des moqueries dont il a été victime dans le numéro 38 de la RGM.
Nous avons également publié plusieurs articles à teneur technique, incluant une nouvelle d'un incident en génie (RGM 25) qui peut être lu dans le présent numéro, en page 26, dans notre nouvelle chronique qui permet un deuxième coup d'oeil sur des histoires de nos archives. Notre ancien rédacteur en chef adjoint, Tom Douglas, nous a suggéré de nommer cette nouvelle chronique Déjà-vu!
L’une des autres initiatives dont nous faisons la promotion est l’augmentation du nombre d’équipes d’auteurs OMSTMR, un peu comme le duo du NCSM Shawinigan dont l’histoire a fait la une de notre dernier numéro (numéro 99 de la RGM). Trente ans plus tôt, j’ai collaboré avec le PM 1 Jim Dean à la rédaction d’un court article intitulé Rétrospective : Le NCSM Fundy(I) (numéro 24 de RGM), qui nous a donné l’occasion de parler de bien d’autres choses que ce que nous faisions pour l’article. Ça été une expérience formidable et j’encourage tout le monde à saisir des occasions comme celle-ci puisque, finalement, l’histoire de la Revue du Génie maritime est une histoire de collaboration.
Perspectives
La Revue du Génie maritime demeure la seule publication conçue pour répondre aux besoins particuliers de la communauté de soutien technique naval militaire et civil du Canada. À ce titre, elle constitue une source de référence précieuse et faisant autorité sur les activités et les perspectives du génie naval canadien présentées par les ingénieurs, les techniciens et le personnel de soutien eux-mêmes. En reflétant les objectifs, les idéaux et les traditions de la profession, la revue renforce les liens qui unissent les membres, favorisant ainsi une main-d’œuvre plus efficace.
Une publication comme la Revue du Génie maritime ne paraît évidemment pas tous les quelques mois pendant 40 ans sans que beaucoup de gens contribuent à continuer de faire tourner la machine. Je contribue en gérant et en produisant le contenu rédactionnel du mieux que je peux, bien sûr, mais je parle ici en fait de la longue liste de personnes qui travaillent dans des fonctions moins visibles pour veiller à ce que chaque nouveau numéro de la « Tribune du Génie maritime au Canada » soit un numéro dont nous pouvons être fiers d’appeler le nôtre : ce sont les conseillers en rédaction et les experts en la matière, les gestionnaires de projet et les gestionnaires financiers, les spécialistes de la traduction, les graphistes et les photographes, les partenaires des services d’impression et les équipes de soutien Web... qui méritent tous d’être reconnus.
Merci également à notre équipe actuelle de conception graphique et de production Web de d2k, composée de Daniel Dagenais, gestionnaire, et des graphistes Marie-Josée Lemaire et Annie Guindon. Ces personnes sont celles qui redoublent d’efforts pour créer des mises en page efficaces pour chaque numéro, de trouver des solutions novatrices et gérer la production imprimée et Web finale. Nous n’avons pas non plus eu l’occasion de dire adieu à Tom Douglas, qui a quitté l’équipe de la Revue à la fin de l’été dernier pour se concentrer sur un autre périodique de la Branche du MDN. Nous le remercions du temps qu’il nous a consacré et lui souhaitons bonne chance. Je m’ennuie de nos discussions intéressantes et souvent compliquées sur les rappels au règlement de la rédaction.
Alors que la RGM entame sa 41e année de publication ininterrompue, je suis sûr que les gens qui ont imaginé et donné vie à cette revue extraordinaire seraient encouragés par le flot constant de nouveaux articles de fond et de perspectives du Forum qui continuent d’arriver de toutes parts. Ensemble, ils donnent à la Revue du Génie maritime sa voix puissante, un reflet du niveau élevé d’engagement et de pertinence de la communauté qu’elle sert.
Il y a 40 ans, on a allumé un flambeau qui continue de brûler aujourd’hui grâce à la gestion sans faille du bureau du directeur général, Gestion du programme d’équipement maritime. L’avenir n’est jamais coulé dans le béton, mais il est assez facile de croire qu’une personne parmi nous sabrera le Champagne au nom de toute la communauté du soutien technique naval lorsque la Revue du Génie maritime marquera son demi-siècle de publication en 2032.
Pour ma part, je serai éternellement reconnaissant d’avoir participé à cette expérience audacieuse et merveilleuse.
Remerciements
Je remercie Erin Cruse, Ashley Evans et Wendy Wagner pour leur aide précieuse dans la compilation d’une mine de données sur le contenu éditorial archivé de la Revue du Génie maritime (fondée en 1982) et du bulletin Nouvelles de l’AHTMC (fondée en 1997). Les renseignements de base importants qu’elles ont recueillis se révéleront utiles pour la recherche historique et pour appuyer les décisions prises par le Comité de rédaction dans les années à venir. Voici un Bravo Zulu pour votre bon travail!
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